- TEMPÉRÉ (DOMAINE)
- TEMPÉRÉ (DOMAINE)Comme l’indique sans ambiguïté le sens courant de l’adjectif, un climat tempéré est celui où l’on observe un rythme thermique annuel qui reste modéré: les températures moyennes de l’été ne dépassent guère 25 0C et, surtout, celles de l’hiver descendent rarement au-dessous de 0 à 漣 3 0C. Les climats de ce type sont assez peu étendus; ils caractérisent une région proche des façades occidentales des continents, entre 30 et 60 degrés de latitude environ. On a parfois appelé «zones tempérées» les parties du globe qui sont limitées par ces parallèles, dans les deux hémisphères (rappelons que le terme de zone désigne proprement une portion du globe limitée par des parallèles). Or, s’il est vrai que cette zone tempérée contient entre autres les climats tempérés, elle englobe aussi des climats qui sont parmi les plus extrêmes de la planète, avec des hivers très froids et des étés parfois très chauds (cf. climats FROIDS). Cette notion de zone tempérée est donc peu claire; on n’en fera pas usage dans cet article et on parlera de «latitudes moyennes» à propos des régions du globe qui sont comprises entre 30 et 60 degrés.Cependant, du point de vue de la géomorphologie, les latitudes moyennes retrouvent une certaine unité. En effet, les héritages paléoclimatiques y ont une grande importance. Ces latitudes ont connu successivement des climats chauds, plus ou moins humides pendant le Tertiaire, puis des périodes de refroidissement accentué au cours du Quaternaire. La plupart des caractères du relief ont été acquis sous ces climats, et résultent donc de séquences morphoclimatiques bien définies. Elles ont affecté un domaine dont l’extension est plus grande que celle de l’actuel climat tempéré (stricto sensu). Il convient donc de distinguer les régions de climats tempérés et le domaine morphologique tempéré, nettement plus étendu.1. Les climats tempérésLes climats tempérés sont dans l’ensemble humides, avec des saisons thermiques, mais l’opposition entre celles-ci reste modérée. L’été peut être chaud, avec des températures moyennes nettement supérieures à 20 0C; toutefois l’hiver reste doux. S’appuyant sur des arguments biogéographiques, Wladimir Köppen a proposé de considérer comme tempérées les régions où la moyenne du mois le plus froid demeure supérieure à 漣 3 0C. Cela ne veut évidemment pas dire que les températures sont toujours supérieures à cette valeur. Ainsi, à Berlin, la moyenne de janvier est de 漣 1 0C, mais la moyenne des températures nocturnes est de 漣 3 0C et le minimum absolu relevé en vingt ans a été de 漣 26 0C.Une grande partie des régions ainsi définies par des critères thermiques est arrosée toute l’année. Il y a certes des régimes pluviométriques, mais ils sont peu nets, et les saisons se différencient mal par les quantités de précipitations. Cependant, sur les marges du domaine situées sur son côté équatorial (au sud, donc, dans l’hémisphère Nord), les pluies ont un rythme très marqué, avec une saison sèche accentuée pendant l’été. C’est le «climat méditerranéen», selon la terminologie des auteurs classiques.Les climats tempérés (sauf dans les régions «méditerranéennes» pendant l’été) sont aussi caractérisés par un temps très changeant. Au total, il se produit une modification importante de l’état de l’atmosphère tous les quatre à cinq jours environ. Si les jours se suivent sans se ressembler, il en est de même des saisons des différentes années. Un été chaud et sec peut être suivi, un an plus tard, par un été «pourri», pluvieux et frais, et il en va de même pour les hivers, tantôt très doux, tantôt plus rigoureux, les printemps, plus ou moins précoces, les automnes, clairs ou pluvieux. Ainsi, en Europe occidentale, les moyennes climatiques ont un intérêt plus limité qu’ailleurs, et elles doivent être utilisées avec des précautions particulières.La carte de l’article CLIMATOLOGIE indique la répartition schématique de ces climats. Ils caractérisent surtout les façades occidentales des continents dans les latitudes moyennes (entre 30 et 60 degrés de latitude environ). Ils sont plus étendus dans l’Ancien Monde (Europe, Asie de l’Ouest, nord de l’Afrique) que dans les autres aires continentales.Climats sans saison sècheAux latitudes les plus élevées du domaine tempéré, on rencontre des climats où les saisons pluviométriques sont peu marquées. Comme ils ont d’abord été étudiés en bordure de l’océan Atlantique, on les appelle souvent les «climats tempérés océaniques», voire, ce qui est plus discutable, les «climats océaniques».Caractères générauxCes climats sont très variés et changent rapidement dans l’espace. La figure 1, avec les diagrammes de pluies et de températures de Valentia et de Berlin, montre leurs aspects extrêmes. On voit d’une part que, des côtes vers l’intérieur des continents, l’été devient plus chaud, l’hiver plus froid; les précipitations diminuent globalement et ont de plus en plus tendance à être abondantes en été. Les études détaillées distinguent donc de multiples nuances, depuis les climats maritimes du type de Valentia jusqu’aux climats «à tendance continentale» comme celui de Berlin. Il est vrai qu’il s’agit ici d’un phénomène propre à l’Europe; en Amérique du Nord, les climats tempérés sont peu étendus, au moins en longitude, donc assez peu nuancés. D’autre part, au contraste est-ouest vient s’ajouter une opposition nord-sud: ainsi, les hivers doux et les étés lumineux de l’Aquitaine s’opposent aux hivers neigeux et aux étés frais et pluvieux du sud de la Norvège.La répartition des pluies est très largement influencée par le relief, peut-être ici plus que dans les autres domaines climatiques. Par exemple, une carte des précipitations de l’Europe reproduit, avec une grande finesse, la carte du relief. Même des hauteurs très modérées comme les collines de Normandie reçoivent plus de pluie que les régions environnantes; au contraire, les dépressions, même peu marquées, comme les vallées de la Seine et de la Loire moyenne, sont nettement plus sèches.Enfin, c’est dans le domaine tempéré que le caractère très changeant du temps est le plus marqué. Les sautes de température peuvent dépasser largement 10 0C en quelques heures. Si les pluies d’automne et d’hiver dominent à l’ouest et celles de l’été à l’est, il s’agit là en fait de tendances peu prononcées. Ainsi à Paris, sur trente ans, chaque mois a été au moins une fois le mois le plus arrosé de l’année, août présentant toutefois le maximum moyen. Pareil phénomène ne se rencontre guère dans les autres climats du monde.Les facteurs du climat tempéré océaniqueL’existence et la répartition des climats tempérés océaniques s’expliquent avant tout par la domination, aux latitudes moyennes (30 à 60 degrés), des circulations atmosphériques d’ouest, aussi bien près de la surface du sol qu’en altitude. Elles amènent constamment au-dessus du continent des masses d’air qui ont circulé ou séjourné longuement sur les océans, où elles ont acquis des caractères spécifiques. De plus, dans cette zone de vents d’ouest, se développent des irrégularités, des mouvements de rotation tourbillonnaire accompagnés de nettes discontinuités entre masses d’air, qu’on appelle souvent les «perturbations norvégiennes» en raison de la nationalité des météorologistes qui les ont les premiers décrites.Il faut donc expliquer les caractères des masses d’air ayant eu un long parcours océanique. L’air est ici influencé par les conditions particulières des échanges thermiques au-dessus des surfaces marines. En été, elles y subissent un échauffement modéré. En effet, d’une part, une partie de l’énergie solaire est utilisée pour évaporer l’eau de mer, et non pour la réchauffer, et, d’autre part, l’eau de surface, une fois réchauffée, tend à s’enfoncer pour être remplacée par des eaux de profondeur, qui s’enfoncent à leur tour. Le résultat est que les effets de la radiation solaire se répartissent dans une masse de liquide importante; aucune partie de celle-ci, et en particulier sa surface, n’est très fortement échauffée. Elle émet donc des radiations en quantités médiocres, et l’air reçoit assez peu de chaleur de la surface du globe. Il en va tout autrement sur les aires continentales. En revanche, en hiver, les masses liquides recèlent des stocks de chaleur importants, qu’elles cèdent progressivement à l’air, surtout en automne et en hiver puisque au printemps les réserves thermiques sont à peu près épuisées.Ainsi, les masses d’air marines sont relativement fraîches en été et relativement chaudes en hiver. On explique de la sorte les caractères thermiques modérés, tempérés, des régions continentales sur lesquelles elles sont poussées par les vents d’ouest dominants.Ces masses d’air sont humides, et il s’y développe les perturbations des systèmes «norvégiens». Chacun de ceux-ci comporte d’abord un centre de basses pressions qui circule d’ouest en est. Sur sa face orientale circulent des vents de sud-ouest (conformément à la règle qui veut que, dans l’hémisphère Nord, les vents s’écoulent parallèlement aux isobares en laissant les basses pressions sur leur gauche).À l’avant de ces masses d’air, en général assez chaudes puisqu’elles viennent du sud, on rencontre une surface de discontinuité thermique, qu’on qualifie de «front chaud» [cf. FRONT (météorologie)]. En revanche, sur la face occidentale de la dépression circulent des vents de secteur nord, relativement froids, précédés d’une discontinuité thermique ou «front froid». Ces fronts sont des régions d’ascendance violente de l’air (surtout les fronts froids), le long desquelles il se produit donc des précipitations abondantes (fig. 2, un système «norvégien» bien développé).Cette circulation rend compte des caractères du climat notés ci-dessus. La modération des températures est due à la domination des masses d’air fraîches en été et tièdes en hiver. Les pluies sont liées à l’humidité de l’air et au passage des systèmes norvégiens et de leurs fronts.L’irrégularité du climat est due au caractère capricieux des circulations et à l’importance des perturbations. Ainsi le passage d’une même dépression suivant un axe allant de l’Écosse à la Norvège fait alterner sur la France des vents de sud-ouest quand la dépression est sur l’Écosse, puis des vents de plein ouest quand elle est juste au nord du pays, et enfin des vents de nord-ouest ou de nord quand elle est sur la Baltique ou la Norvège. Pendant que la dépression accomplit son déplacement, un front chaud puis un front froid balaient la France. Ainsi se succèdent en deux ou trois jours un temps chaud et sec (passage de l’air du sud-ouest non perturbé), puis un temps pluvieux et tiède (passage du front chaud), puis, après des éclaircies, un temps frais et pluvieux (passage du front froid). Cinq ou six séquences de ce type peuvent produire en un mois de multiples changements de temps.Il arrive que des irrégularités supplémentaires apparaissent. Par exemple, un anticyclone peut se stabiliser pendant quelques jours sur le nord de l’Europe centrale ou la Scandinavie. Il dirige sur l’Europe de l’Ouest un flux d’est, très froid et sec en hiver, sec et chaud en été puisque surviennent alors des masses d’air en provenance de l’intérieur du continent. De tels épisodes sont fréquents, et sont en général courts. Ils durent parfois plusieurs jours, voire plusieurs semaines, provoquant des vagues de froid en hiver et des vagues de chaleur en été (fig. 3, un temps anticyclonique d’hiver).Plus généralement, la variété des trajectoires des perturbations et des positions relatives des dépressions et des anticyclones engendre une extraordinaire diversité des types de temps.Quelques grandes tendances se dégagent cependant. Bien entendu, aux latitudes assez élevées qui sont celles du domaine concerné, les variations de l’activité solaire dans l’année sont assez importantes pour qu’il existe des saisons thermiques, même si elles sont atténuées dans les masses d’air océaniques. La tendance à l’existence de fortes pluies d’automne et d’hiver près des côtes s’explique par l’activité de l’évaporation pendant ces saisons, où l’eau de mer est nettement plus chaude que l’air. L’aggravation de l’hiver d’ouest en est s’explique par un double effet: d’une part, les masses d’air en provenance de l’océan évoluent rapidement quand elles passent sur le continent car, n’étant plus réchauffées par l’émission de chaleur stockée, elles se refroidissent; d’autre part, les types de circulation d’est affectent plus souvent et plus sévèrement les régions orientales que celles qui sont toutes proches des côtes. De même, l’hiver est plus sec à l’est, parce que les masses océaniques atteignent ces régions moins souvent et sont déjà partiellement asséchées quand elles y arrivent. Cette sécheresse de l’hiver donne un avantage relatif à l’été. Si l’on compare les graphiques de Valentia et de Berlin, on voit que le «maximum d’été» de cette dernière station représente une quantité de pluie inférieure à celle de tous les mois, même les plus secs, de la station maritime irlandaise.Il est facile de comprendre pourquoi les climats tempérés océaniques sont absents des façades orientales des continents: sur celles-ci, les vents d’ouest amènent en hiver des masses d’air en provenance des continents, donc très froides et sèches, si bien qu’il n’y a pas, le long des côtes pacifiques de l’Asie et atlantiques de l’Amérique, de «climats océaniques», même en bordure de l’océan (cf. climats FROIDS).Climats à saison sècheLes climats tempérés à saison sèche, dits «méditerranéens», représentent un cas, extrêmement rare dans le monde, de régions où l’été est moins arrosé que l’hiver et les saisons intermédiaires. Ce type n’est d’ailleurs pas très répandu hors de l’Ancien Monde, et il est totalement absent des façades orientales des continents.L’hiver et les saisons intermédiairesL’hiver et les saisons intermédiaires sont des saisons arrosées et assez douces; le domaine méditerranéen n’est pas, pendant ces périodes, très différent des régions «océaniques» voisines, à cette importante nuance près que la latitude assez basse (moins de 400 nord, approximativement) lui confère des températures très douces, en plaine du moins, surtout au cours des journées. Ainsi à Rome (410 48 nord), la moyenne des journées de janvier est de 12 0C contre 9,4 0C à Valentia; en revanche, les nuits sont plus froides (moyenne nocturne de 4 0C contre 5,6 0C à Valentia).Les caractères de ces saisons humides s’expliquent, comme dans le cas précédent, par la prédominance des circulations d’ouest. Elles affectent en effet une bande qui se décale en direction de l’équateur en hiver: masses maritimes et systèmes norvégiens balaient fréquemment les régions situées au nord du trentième degré de latitude. Les mêmes causes produisent des effets analogues, notamment de fréquents épisodes pluvieux (fig. 3, un système norvégien en Méditerranée).Autour de la méditerranée de l’Ancien Monde, l’hiver revêt des caractères assez particuliers, liés à la présence même de la mer. Sur celle-ci, il peut se former des systèmes de type norvégien assez vigoureux, notamment dans le golfe de Gênes, près de Chypre ou dans le golfe de Gabès. Ces systèmes vigoureux peuvent provoquer des pluies très abondantes, parfois catastrophiques, surtout sur les reliefs le long desquels se combinent ascendances frontales et orographiques. En France, c’est un pluviomètre installé sur une montagne des régions méditerranéennes qui a enregistré les plus fortes précipitations moyennes du pays.Ces violences particulières sont très marquées à l’automne, saison où la Méditerranée est plus chaude et fournit donc davantage de vapeur d’eau. Le printemps est généralement un peu plus sec.L’été méditerranéenL’été méditerranéen fait l’originalité de ce type de climat. Il est chaud et surtout sec; non seulement la courbe des précipitations fléchit, mais les valeurs atteintes sont assez basses pour que l’évaporation potentielle soit nettement supérieure aux précipitations: le seuil de sécheresse biologique est franchi, et les conséquences sur la végétation, l’agriculture et les sols sont importantes (fig. 1, graphique de Rome).Les causes de cette sécheresse d’été méritent donc d’être examinées avec soin. Elles sont avant tout liées à des phénomènes de circulation atmosphérique. Pendant l’été, la bande affectée par les circulations d’ouest se contracte en quelque sorte. Les perturbations norvégiennes deviennent moins nombreuses, moins vigoureuses, et passent plus près des pôles. Cet effet est particulièrement net près des marges occidentales des continents, car les grands anticyclones subtropicaux océaniques se décalent vers les hautes latitudes. Ainsi, sur la carte du 31 août 1966 (fig. 4), on voit un grand anticyclone subtropical à la latitude de la péninsule Ibérique et deux dépressions norvégiennes rejetées très au nord: elles affecteront les régions de climat tempéré océanique, mais pas les bords de la Méditerranée. Celle-ci est en quelque sorte l’objet d’une «protection anticyclonique». Il arrive souvent que cette protection s’exerce «à distance»: point n’est besoin qu’un anticyclone recouvre le Maghreb ou l’Espagne pour qu’il n’y arrive pas de perturbation; il suffit qu’il stationne à des latitudes septentrionales sur le «proche océan».En outre, les régions méditerranéennes se trouvent sur la bordure du côté polaire des grandes dépressions qui, dans les basses couches, recouvrent les déserts chauds comme le Sahara, le grand désert australien ou le Kalahari. Elles sont donc souvent affectées par des vents d’est à sud-est qui contournent ces dépressions suivant les règles classiques de la circulation. Or, la disposition des masses continentales et marines est telle que ces vents d’est à sud-est sont généralement secs. C’est le cas notamment des «vents étésiens» de la Méditerranée orientale.Enfin, les régions méditerranéennes sont très souvent surmontées en altitude par la bordure nord des grands anticyclones qui s’établissent au-dessus des dépressions de surface des déserts. Ces anticyclones se traduisent, au-dessus de 3 à 4 kilomètres, par la présence de masses d’air sec animées de mouvements de haut en bas, ce qui est extrêmement défavorable au déclenchement de précipitations.Répartition et nuancesLes climats méditerranéens correspondent en gros à l’intersection de deux ensembles: celui des régions qui reçoivent des pluies abondantes en hiver et celui des régions qui ont un été sec. L’étendue de chacun de ces ensembles dépasse largement celle des climats méditerranéens, autrement dit l’intersection de ces ensembles est faible par rapport à l’étendue de chacun d’eux (carte, fig. 5).Cette définition permet de poser le problème de l’extension des climats méditerranéens. D’une part, ils sont absents des côtes orientales des continents, parce qu’on n’y rencontre aucun des deux ensembles mentionnés ci-dessus: l’hiver est froid et sec; l’été est chaud et humide sur ces façades, à cause de l’arrivée de masses d’air froides et sèches pendant l’hiver et de la remontée de circulations d’est, porteuses de pluie pendant l’été (cf. climats FROIDS, domaine TROPICAL).D’autre part, l’intersection de ces deux ensembles est particulièrement vaste dans l’Ancien Monde, parce que les régions arrosées l’hiver s’étendent plus loin vers le sud et vers l’intérieur de la masse continentale que sur le reste du globe (fig. 5). C’est là un effet de la présence de la Méditerranée, qui fournit une source d’humidité, permet la formation de systèmes «norvégiens» à des latitudes basses et dans des domaines profondément enfoncés entre les masses continentales eurasiatique et africaine, si bien que les pluies d’hiver mordent grandement sur le domaine de la sécheresse d’été (cf. aire MÉDITERRANÉENNE). De plus, la netteté de la limite entre le climat tempéré océanique et le climat méditerranéen est souvent accentuée par les reliefs; ceux-ci ne créent pas la sécheresse d’été, mais ils en fixent la limite.2. Le domaine morphologique tempéréLe domaine tempéré correspond aux régions dont le climat se caractérise généralement par la modération de ses manifestations. Localisé dans les latitudes moyennes, il fait la transition avec ceux où la géomorphogenèse actuelle est contrôlée par des chaleurs ou des froids excessifs. Cette situation explique, pour une bonne part, la diversité et la complexité des aspects du relief, conséquences d’une évolution riche en vicissitudes variées au cours des époques géologiques récentes. Favorable, par sa modération même, à l’épanouissement des sociétés humaines, ce domaine est aussi celui où le milieu naturel a été le plus perturbé par l’homme, au point d’accélérer, parfois dangereusement, le rythme de l’érosion.Dans l’ensemble, les limites du domaine morphologique tempéré sont faciles à tracer (fig. 6). D’un côté, elles coïncident, pour l’essentiel, avec l’isotherme de 10 0C du mois le plus chaud de l’année, qui sépare approximativement la forêt de conifères de la toundra des milieux froids des hautes latitudes. À l’opposé, le passage des forêts de feuillus aux steppes subdésertiques marque bien sa séparation d’avec les déserts chauds, sauf sur les façades orientales des continents, où des forêts subtropicales prolongent la forêt pluviale des basses latitudes [cf. BIOGÉOGRAPHIE].Ainsi délimité, ce domaine s’étend principalement sur les puissantes masses continentales de l’hémisphère boréal. En Eurasie, il comprend une vaste bande de terres allongée de l’Atlantique au lac Baïkal, puis complétée à l’est par une large façade pacifique et l’archipel japonais. Il s’étale également sur la moitié orientale de l’Amérique du Nord, du golfe du Mexique jusqu’au Labrador et au Mackenzie. Enfin, il convient d’y englober les contrées «méditerranéennes» de la Californie, de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.Dans l’hémisphère austral, océanique, le domaine tempéré ne s’épanouit que dans les pays de la Plata. Ailleurs, il se réduit à des franges côtières – comme au Chili, en Afrique du Sud, en Australie sud-occidentale et orientale – et aux îles de la Nouvelle-Zélande.Héritages géomorphologiquesL’originalité morphoclimatique du domaine tempéré réside d’abord dans la diversité de ses héritages géomorphologiques.Les vestiges de surfaces d’aplanissement tertiairesLes héritages géomorphologiques les plus anciens consistent en vestiges de surfaces d’aplanissement tertiaires. Leur conservation dans les interfluves des grandes vallées dépend de la résistance à l’érosion des roches qui les sous-tendent. Aussi s’étalent-ils sur les complexes cristallins des massifs anciens, qu’il s’agisse de témoins de surfaces de regradation, de surfaces polygéniques marginales ou de surfaces étagées, paléogènes (éogènes), et néogènes [cf. MASSIFS ANCIENS]. Mais les bassins sédimentaires ne sont pas dépourvus de tels vestiges, cantonnés sur les roches résistantes, grès et surtout calcaires à la faveur de l’immunité que confère la karstification [cf. BASSIN SÉDIMENTAIRE].Dans certains cas, l’uniformité remarquable de ces surfaces a permis de les assimiler à des pédiplaines à inselbergs. Leurs placages de dépôts corrélatifs et leurs paléosols sont parfois significatifs. On citera l’«argile à silex» qui jalonne la surface fini-crétacée des plaines et plateaux crayeux des bassins sédimentaires (ouest du bassin de Paris, Chiltern Hills et Downs du bassin de Londres), les grès silicifiés et ferruginisés qui parsèment des surfaces paléogènes (grès à sabalites armoricains, «pierre de Stone» de la bordure ardennaise, grès de la forêt d’Othe), les meulières associées aux surfaces paléogènes et néogènes développées sur des calcaires lacustres (Brie, Beauce, Poitou). Ailleurs, il s’agit de dépôts alluvionnaires quartzeux à matrice argileuse et parfois à concrétions de fer, tels le sidérolitique, répandu sur le pourtour du Massif central français (Berry, Anjou, Maine, Poitou, Périgord), les sables de Lozère, ruisselés jusque dans la région parisienne et le Vexin normand, les traînées de galets de quartz de la Gâtine tourangelle, de la forêt de Sénart ou des rañas espagnoles.Les modelés glaciairesLes modelés et les formations superficielles quaternaires sont différents. Hors des hautes montagnes et de leurs piémonts (cf. CHAÎNES [géomorphologie]), la marque glaciaire s’impose dans la bordure septentrionale du domaine tempéré de l’hémisphère boréal. On y connaît des alignements de moraines d’inlandsis (Salpausselkä, Véluve, croupes baltiques, région des Grands Lacs nord-américains), des vallums morainiques alpins (bas Dauphiné, plaine du Pô, plateau bavarois), des champs de drumlins (Dombes, Irlande, Écosse, Massachusetts, Québec). Sur ces édifices de sable et de blocaille anguleuse, non structurés, s’appuient des formes fluvio-glaciaires au matériel roulé et trié. Ce sont des cônes caillouteux et des sandurs sableux entre lesquels s’insèrent de petites plaines d’argiles varvées. Des amas dunaires complètent, localement, la gamme de ces phénomènes (Véluve, landes de Lunebourg).L’analyse géomorphologique associée à l’étude des dépôts et de leurs paléosols montre qu’on a plusieurs générations de formes juxtaposées, superposées ou emboîtées; d’où l’apparente confusion du relief de plaines et de piémonts caractérisés par des marécages, des tourbières et des lacs logés dans les creux des moraines de fond (Jutland, Poméranie, Mazurie, Dombes) ou dans les cuvettes de surcreusement barrées par des arcs morainiques (lacs suisses, italiens, canadiens). Le drainage se fait par des chenaux creusés par les eaux de fonte glaciaires. Les plus importants constituent d’amples couloirs à terrasses (fig. 7), élaborés lors du retrait des inlandsis (Urstromtäler allemands, pradoliny polonais), où se logent en partie les grands fleuves actuels (Elbe, Oder, Vistule, Missouri) ou des chapelets de lacs (Canada).Les modelés périglaciairesAutres manifestations du froid quaternaire, des modelés et des dépôts périglaciaires se rencontrent jusqu’aux rives de la Méditerranée, caractérisant les vallées et leurs versants créés par le démantèlement des aplanissements tertiaires.Les versants façonnés dans des roches cohérentes offrent des modelés et des dépôts de gélifraction typiques. Dans les calcaires, souvent très gélifs, ils présentent des corniches à clochetons, des surplombs et des abris-sous-roche, au-dessus de talus d’éboulis anguleux souvent bien lités (grèzes charentaises et lorraines). Dans les dépressions dégagées dans des argiles ou des marnes, en avant des cuestas des bassins sédimentaires et dans celles qui sont ouvertes dans les schistes des massifs anciens, ces débris s’étalent en minces glacis d’épandage (grèves champenoises et lorraines). En pays méditerranéens, des versants réglés entaillent les calcaires et dominent, selon la structure géologique, des cônes qui les tranchent également (Péloponnèse, Mont Liban, Monténégro) ou des glacis d’ablation nivelant des argiles, des marnes ou des molasses (Levant espagnol, Languedoc, Provence, Afrique du Nord).Dans les roches et les formations superficielles meubles, les versants ont des modelés de gélifluxion caractérisés par des profils chaotiques, multiconvexes ou à microgradins étagés, selon les modalités du déplacement en masse. Ils correspondent à des manteaux argilo-limoneux, emballant parfois des débris anguleux de calibre variable.Cette fois encore, on peut identifier plusieurs générations de versants. Dans les grandes vallées, on observe, de même, des étagements et des emboîtements de terrasses. Les plus hautes étalent dans les piémonts leur matériel grossier, hétérométrique, plus ou moins altéré ou cimenté par du calcaire. Les autres, plus linéaires et plus limoneuses, dominent des plaines fluviales où s’inscrivent les lits des rivières. Mais les petites vallées ne sont pas moins caractérisées, avec leurs profils transversaux en berceau, quand elles entaillent certains calcaires, et la planitude de leurs fonds colmatés par des colluvions tourbeuses, à peine incisées, parfois, par les sinuosités de rivières paresseuses.Enfin, on signalera les cuvettes cryokarstiques correspondant à d’anciens pingos ou hydrolaccolites (pays de Galles, Hautes Fagnes, Eifel, Schleswig-Holstein) et les figures de cryoturbation, localisées dans les alluvions et les nappes de limons ou de lœss.Interprétation paléoclimatique des héritages et érosion actuelleUne telle diversité des héritages géomorphologiques témoigne d’une évolution du relief dans des conditions bioclimatiques très différentes. Leur extension souligne la singulière inefficacité de l’érosion actuelle.Les paléoclimats tertiaires et quaternairesL’interprétation des modelés en pédiplaine ou en glacis des aplanissements tertiaires comme celle de leurs nappes alluviales nécessitent l’intervention de ruissellements diffus importants, tandis que les argiles kaoliniques riches en oxydes métalliques contenus dans leurs dépôts manifestent l’intensité des processus physicochimiques et biochimiques. Ce sont là les termes essentiels de systèmes morphogéniques dominés soit par des altérations efficaces, soit par l’ablation latérale, évoquant ceux qui opèrent dans les régions tropicales plus ou moins humides. Des climats comparables ont alors régné aux latitudes moyennes, comportant, momentanément, une saison sèche signalée par des silicifications ou des cuirassements ferrugineux, peut-être jusqu’au Villafranchien. Mais le Villafranchien correspond déjà à une période de mutation climatique du globe, qui conduit à l’instauration des climats actuels. Cette crise majeure constitue l’une des causes d’une intense morphogenèse marquée par le démantèlement des aplanissements antérieurs. Après, les érosions successives n’infligent plus que de simples retouches à un relief dont les grands traits sont désormais fixés (fig. 8). Les modelés et les dépôts postvillafranchiens du domaine tempéré prouvent que ces retouches accompagnent un refroidissement atmosphérique important, souligné par la constitution d’inlandsis aux hautes latitudes et de glaciers alpins sur les hautes montagnes. Les spécialistes discutent seulement de l’époque de leur apparition, du nombre et de l’ampleur de leurs pulsations.L’interprétation des formes et des dépôts quaternaires conduit les polyglacialistes à reconnaître quatre glaciations alpines (Günz, Mindel, Riss, Würm) et continentales (Nebraska, Kansas-Elster, Illinois-Saale, Wisconsin-Vistule). Certains les font précéder par deux autres (Biber, Donau), repoussant l’englacement du globe au Plio-Villafranchien. Contestant l’existence de dépôts froids antérieurs au Riss, et invoquant la prépondérance persistante, au Quaternaire ancien, des altérations sur les météorisations mécaniques ou le façonnement de vastes glacis d’ablation, les monoglacialistes n’acceptent qu’une seule période glaciaire (Riss-Würm) interrompue par un interstade plus doux et plus sec. Antérieurement, la morphogenèse resterait rythmée surtout par des variations des précipitations.Quoi qu’il en soit, les vestiges glaciaires et périglaciaires du domaine tempéré correspondent, au moins pour l’essentiel, à deux ultimes pulsations glaciaires séparées par un interglaciaire pour les uns, par un simple interstade pour les autres. Alors, les latitudes moyennes sont englobées dans les domaines froids. Selon les régions, le relief y subit l’empreinte des glaciers, des eaux de fonte ou celle d’actions liées à l’alternance gel-dégel. Avec l’instauration de climats plus chauds et plus secs, lors des interglaciaires ou des interstades, des vents violents ont pu vanner les dépôts antérieurs, amasser le sable en dunes et saupoudrer les plaines et les plateaux herbeux des poussières des lœss et des limons. C’est avec le retrait décisif des glaciers (Postglaciaire), lié à un réchauffement climatique discontinu (Boréal, Atlantique, Subboréal, Subatlantique), que s’instaurent des modalités d’érosion nouvelles.Les aspects de l’érosion actuelleCertes, la faible efficacité de cette érosion tient, d’abord, à son caractère récent, mais elle résulte aussi de conditions bioclimatiques somme toute défavorables à ses entreprises. La modération de la plupart des climats tempérés explique la médiocrité de la météorisation et de la morphogenèse. L’altération des minéraux reste lente, les morsures de la gélifraction, limitées et localisées, les actions mécaniques dues aux transports sur les versants, minimes.La couverture végétale assure, de plus, une protection efficace contre l’érosion. Sous les forêts reconstituées au cours du Postglaciaire, le sol est à l’abri de frondaisons et de sous-bois parfois denses, et sa résistance à l’ablation est accrue par la cohésion qu’assure l’humus fourni par la décomposition des litières de feuilles (cf. sols BRUNS). L’érosion fluviale et les ruissellements, par exemple, y restent inopérants, même sur les fortes pentes. Les denses prairies de graminées ne paraissent pas moins protectrices. Au total, les déplacements de matière sur les versants s’opèrent surtout par reptation (creeping ), ou à la suite de tassements provoqués par la dissolution et l’activité des animaux fouisseurs. L’insignifiance habituelle de la charge des fleuves et des rivières confirme cette atonie des actions érosives.Seul l’homme a pu rompre cette inertie du relief. Parmi les causes de l’érosion anthropique, il convient de placer au premier rang les dégradations infligées à la végétation naturelle par l’agriculture. La responsabilité en incombe aussi bien à la culture qu’à l’élevage. Ainsi, une surcharge pastorale entraîne des dégradations irréversibles favorables à l’érosion. Et, surtout, les défrichements provoquent le remplacement de la végétation spontanée par des cultures souvent moins aptes à protéger le sol contre ses attaques.Cet impact de l’agriculture dépend des modes d’exploitation du sol issus du jeu complexe des facteurs socio-économiques. Dans le cadre des économies de subsistance caractérisées par une agriculture fondamentalement vivrière, il reste modéré. Cette situation résulte d’une adaptation au milieu issue de l’expérience ancestrale de paysanneries soucieuses de conserver la terre nourricière. L’agriculture méditerranéenne manifestait cette préoccupation; elle s’exprimait par l’aménagement des versants en terrasses pour limiter les effets du ruissellement, comme par la plantation de rideaux d’arbres pour briser l’élan du vent. Des systèmes polyculturaux bien adaptés à la diversité des terroirs réduisaient aussi les dangers du ravinement par effet cumulatif.Cet équilibre a été souvent rompu. La pression des populations sur le milieu a joué un rôle décisif. Bien avant l’ère industrielle, elle a provoqué des crises érosives aux grandes époques de déboisement néolithique, gallo-romaine et médiévale. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’essor des économies de marché est devenu une cause d’érosion essentielle. Alors, les soucis de rentabilité l’emportent sur ceux de la préservation du milieu naturel. Dans les régions méditerranéennes, la substitution de monocultures commerciales de plaines aux polycultures traditionnelles a provoqué l’abandon des coteaux aménagés en terrasses, livrés depuis lors aux ravins et aux glissements de terrain.Le domaine tempéré subit une érosion accélérée qui est une préoccupation majeure des agriculteurs et des autorités responsables. Dans les plaines et les plateaux limoneux du bassin Parisien, par exemple, elle se manifeste par la multiplication des ravines dans les champs et des atterrissements sur les chemins et les routes, après les fortes averses. La place importante qu’y occupent désormais les plantes sarclées et les cultures d’été dans les assolements étend les surfaces vulnérables, du fait de la fréquence des ameublissements et des désherbages qu’elles exigent. Il faut aussi accuser un machinisme agricole lourd, car le passage répété des engins sur les champs entraîne une compaction du sol en profondeur contrariant l’infiltration des eaux pluviales. À cela s’ajoutent le creusement de rigoles et une exportation de terre non négligeable par les roues des tracteurs et des machines.Les types morphoclimatiques tempérésMalgré une évidente analogie de ses aspects fondamentaux, le relief du domaine tempéré offre des héritages géomorphologiques et des marques de l’érosion actuelle suffisamment différenciés pour qu’on y distingue plusieurs grands types morphoclimatiques.Dans l’hémisphère boréal, on peut définir une marge individualisée par le caractère glaciaire et périglaciaire de son héritage géomorphologique. Elle englobe, notamment, les grandes plaines de l’Europe du Nord, de la Manche à l’Oural, la moitié septentrionale des îles Britanniques et la Scandinavie méridionale. En Amérique du Nord, elle comprend le district des Grands Lacs. Son relief comporte des collines morainiques et des constructions fluvioglaciaires associées à des plaines marécageuses et lacustres. Les grands fleuves y empruntent de larges vallées à terrasses (fig. 7). Partout se rencontrent les manifestations des activités périglaciaires déclenchées avec le retrait des glaciers. Dans ces régions, plates et forestières, à pluies assez abondantes mais peu violentes, la morphogenèse actuelle reste négligeable. On y observe surtout une pédogenèse caractérisée par un lessivage, voire une podzolisation des formations superficielles, ou par des phénomènes d’hydromorphie dans les fonds mal drainés (cf. sols HYDROMORPHES, sols LESSIVÉS, sols PODZOLISÉS).Sur le pourtour de la Méditerranée, en particulier, se manifeste un autre type marginal. Son originalité tient d’abord à l’agressivité de l’érosion actuelle. Selon les cas, elle se traduit par une intense dissection (badlands ) ou par d’actifs glissements (franes ). Des cônes de déjection, des plaines d’épandage et des deltas témoignent de l’efficacité des crues, brèves mais brutales, conséquences de la violence des averses et de la dégradation en matorral (maquis, garrigue) des durisilves et des pinèdes climaciques. L’ablation entame un héritage géomorphologique constitué par des témoins d’aplanissements et des karsts tropicaux du Tertiaire, ou par des versants à dépôts périglaciaires et des glacis d’ablation étagés, parfois encroûtés comme dans les steppes semi-arides, du Quaternaire.Outre ces types où l’on retrouve des aspects des domaines morphoclimatiques adjacents, glaciaire et aride, il existe des régions sans glacis d’ablation typiques et où les formes glaciaires se cantonnent dans les piémonts des hautes montagnes. Leur modelé combine des restes d’aplanissements tertiaires à une riche gamme de modelés et de dépôts périglaciaires. Les premiers se développent dans les interfluves, entre de larges vallées à terrasses étagées ou emboîtées, plus ou moins recouverts par des nappes de lœss et de limons. Les seconds correspondent à des versants de gélifraction ou de gélifluxion, avec leurs éboulis lités ou leurs manteaux argilo-limoneux, qui s’étalent dans les dépressions ou colmatent des vallons morts ou mal drainés. Dans les formations meubles s’épanouit la série des phénomènes de cryoturbation. L’absence de manifestations climatiques brutales explique l’insignifiance de la morphogenèse actuelle, sauf dans les régions conquises par l’agriculture. La météorisation n’est guère plus active, aussi bien en ce qui concerne les altérations physicochimiques et biochimiques que les désagrégations mécaniques.Il convient, enfin, de considérer à part les façades orientales des continents. Elles constituent un type original, largement représenté dans l’hémisphère boréal – en Amérique du Nord, en Chine, en Corée et au Japon –, alors qu’il se localise dans des franges côtières dans l’hémisphère austral – surtout en Afrique du Sud et en Australie –, à l’exception des pays de la Plata et du Paraná. Des calamités naturelles y engendrent une intense érosion, sous la forme de glissements de terrain, d’ablation aréolaire ou de ravinement, lors de pluies torrentielles d’été ou de cyclones d’automne, et d’une active déflation au cours de tempêtes de poussière. Elle affecte des sols privés de la protection naturelle de luxuriantes forêts par des défrichements très anciens (Chine) ou modernes (Nouveau Monde). La construction de vastes deltas et de marais littoraux, celle d’immenses plaines submergées par des crues catastrophiques avant la domestication des grands fleuves destructeurs (Houang-ho, Yang-tseu-kiang, Mississippi) attestent la vigueur épisodique de l’ablation. Ainsi se dilapident les altérites de pédiplaines (piémonts des Appalaches, Japon, Corée) ou les terra rossa de karsts tropicaux (Floride, Chine méridionale) du Tertiaire et du Quaternaire ancien, ainsi que les lœss et les limons de périodes froides postérieures (plaines de la Chine, du Mississippi, de la Plata).Telle est l’image simplifiée d’un domaine morphoclimatique qui doit l’essentiel de son originalité et de sa complexité à sa situation latitudinale. Elle lui vaut d’associer des modelés élaborés sous des paléoclimats, chauds ou froids, comparables aux climats actuels des domaines adjacents, sans rapport avec ses propres systèmes morphogéniques trop récemment installés et trop peu efficaces pour marquer fondamentalement son relief. En définitive, il représente le cas, unique à la surface du globe, d’un milieu bioclimatique caractérisé par une érosion spécifique encore sans véritable expression géomorphologique.
Encyclopédie Universelle. 2012.